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Outils de conduite de transformation  

La fonction RH évolue d’une fonction à dominante administrative, à un leadership qui accompagne le changement et modifie le système. En adéquation avec la vision stratégique la fonction RH manage les talents, construit les plans de formation, aligne les systèmes d’évaluation et pilote les rémunérations.

La conduite du changement a le mérite de faire l’unanimité : il est difficile d’instaurer un changement. Changer des habitudes et pratiques traditionnelles nécessite un surcroît effort qui, chez la plupart des individus, n’est pas évident. Dans la réalité organisationnelle, il n’est pas toujours possible d’arriver au consensus ni de faire en sorte que chacun adapte ses habitudes à de nouvelles demandes et méthodes de travail.

Cet article vise à donner des outils pratiques associés aux 8 étapes du changement de Kotter. Parmi la constellation des théories du changement son approche est à mon sens la plus pragmatique et la plus ancrée dans la réalité actuelle des entreprises.

Chacune des 8 étapes de Kotter est reprise sous un prisme RH (développement des talents, recrutement, environnement de travail,…), avec un outil associé pour aider à la mise en œuvre.
Cet article n’est pas exhaustif au regard de la densité du sujet et traite partiellement de chaque étape de Kotter. Il peut néanmoins permettre de mettre en pratique certains outils déjà éprouvés. 

1- Renforcer le sentiment d’urgence et mettre fin à l’autosatisfaction

Un des moyens de casser le sentiment d’autosatisfaction est de fixer des cibles de chiffres d’affaires, de profitabilité, rentabilité et productivité ou de satisfaction client et temps de cycle si élevé qu’on ne pourra les atteindre avec les méthodes traditionnelles.
Toutefois cela fonctionne si l’ensemble du personnel a une compréhension suffisante des sous-jacents.

Former les salariés aux enjeux économiques

Les salariés qui comprennent ce qui se passe dans l’entreprise s’engagent davantage, conservent un moral positif et éprouvent un sentiment d’inclusion. Certains indicateurs – marge brute, retour sur le capital investi, cycle d’exploitation… devraient entrer dans le vocabulaire commun.
Une entreprise qui entend développer une culture de la performance doit aussi communiquer sur les événements concernant la conduite des affaires – levée de fonds, IPO, M&A, faillite, licenciements, nouveaux contrats.. – avant que les salariés ne se laissent contaminer par les rumeurs, les ouï-dire et autres théories du complot.

Initier chacun aux enjeux économiques ne se limite pas à la communication, il s’agit également de formation. Pour exemple, Netflix a créé une entité à l’intention des nouvelles recrues, baptisée New Employee College. L’objectif du College est de former les nouveaux entrants aux enjeux de l’activité.

2- Former une coalition directrice

Le design de nouveau processus décisionnel est clef parce que nul ne possède à lui seul les informations nécessaires pour prendre toutes les grandes décisions ni le temps et la crédibilité nécessaires pour convaincre un grand nombre de personnes de les appliquer. La coalition doit être puissante et capable de fonctionner en équipe.

Organiser des discussions ouvertes avec les dirigeants

Un moyen de renforcer la puissance de la coalition est d’instaurer une culture de la communication ouverte.

Les employés hésitent souvent à dire franchement ce qu’ils pensent pour une simple raison : ils redoutent les sanctions. Dès lors qu’il existe une peur liée à une culture de domination ou que le fait de s’exprimer est perçu comme une impolitesse, les échanges constructifs avec les supérieurs ne peuvent avoir lieu. Cela prive l’entreprise de ressources informationnelles.

Il appartient aux dirigeants de créer des conditions qui favorisent une communication ouverte :

  • Prendre l’initiative, s’informer sur les avis contraires et solliciter les commentaires constructifs. Organiser des débats critiques autour d’une question donnée.
  • Surveiller leurs propres réactions à l’écoute d’avis opposés, de mauvaises nouvelles. La manière dont réagit le « boss » se répercute sur le comportement de l’employé.

Par exemple, Virgin media a mis en place un forum de discussion interne en direct. Tout membre de l’entreprise peut poser ses questions.

3- Définir une vision imaginable, désirable, faisable, souple et communicable

Il n’est pas nécessaire ici d’entrer dans le détail des éléments d’une vision fonctionnelle et des travers rencontrés (mots-valises, vision reprise à la concurrence,..) mais plutôt de préciser les conditions de travail qui permettent de la créer.
Le fait est que la création de la vision nécessite le déploiement d’une énergie et d’un travail intellectuel de grande exigence.

Créer un environnement favorable à la concentration

Nombre de gens sont bombardés de distractions multiples: notifications des réseaux, open-space, impossibilité de hiérarchiser les priorités. Les e-mails, les réunions et les interruptions constantes donnent l’impression d’être actifs mais ce n’est que du superficiel.
D’ailleurs Cal Newport, professeur à Georgetown, dans son livre Deep work : retrouver la concentration dans un monde de distractions, définit le travail concentré comme « toute activité professionnelle réalisée dans un état d’attention, exempt de toute distraction, qui sollicite vos capacités cognitives jusqu’à leur extrême limite »

Pour favoriser le travail concentré, quelques solutions peuvent être mises en place :

  • Alterner entre les activités individuelles et collectives. Des plages de temps sont consacrées au travail superficiel, d’autres au travail concentré.
  • Mettre en place des signaux de concentration. Les salariés qui effectuent une tâche requérant un travail concentré doivent avoir la possibilité d’en avertir leurs collègues.
  • Créer un espace dédié au travail concentré.

4- Diffusion et communication de la vision : Cascade d’information descendante et infusion du message

Un changement est possible si la plupart des salariés sont disposés à y contribuer et au point de consentir des sacrifices dans l’immédiat. La communication de la vision permet de faire adhérer et d’expliciter la balance entre sacrifices immédiats et bénéfices futurs. Or dans le surplus d’information, la communication de la vision se perd dans la masse :

Le temps et l’attention des salariés, une ressource précieuse.

Pour éviter la surinformation et aller à l’essentiel :

  • Supprimer 80 % des réunions – et améliorer la qualité de celles que vous conservez
  • Limiter le nombre de participants aux parties prenantes essentielles. Jeff Bezos, le PDG d’Amazon a instauré « la règle des deux pizzas ». S’il faut plus de deux pizzas pour nourrir tout le monde, cela signifie qu’il y a trop de participants.
  • Les réunions devraient aussi être brèves – moins d’une heure – pour plus d’efficacité.
  • Instaurer une « règle de bibliothèque, tout le monde sait se comporter dans une bibliothèque, il devrait être de même dans un openspace.
  • Cesser d’utiliser les discussions de groupe comme mode de communication par défaut (Slack, Teams, Google chat,…). Quand ils utilisent les chats pour la communication courante, les gens deviennent esclaves de leurs notifications.

5- Inciter à l’action et éliminer les obstacles

Kotter fait état de différents types d’obstacles, parmi eux certains comportements ou mode d’organisations fragmentent les ressources et les efforts. Sans entrer dans l’analyse des causes ni dans le redesign organisationnel, des freins liés à l’encadrement intermédiaire peuvent être levés.

La rétention n’est pas toujours une bonne chose, encouragez les départs.

La capacité à retenir les talents a longtemps été un objectif fondamental des RH, en arrivant à  motiver et à conserver vos salariés les plus performants, le coût du turn-over est limité.

Or, l’étude Gallup «Employee Engagement Survey», porte sur 35 millions de personnes par le monde, révèle que, dans une proportion considérable (97%), les salariés ne sont pas pleinement engagés dans leur travail. Ils tendent à devenir de moins en moins productifs au fil des années.

Pour renforcer l’engagement, Zappos proposait une prime de départ aux salariés nouvellement recrutés : « Si vous démissionnez aujourd’hui, nous vous rétribuerons pour les heures de travail effectuées et nous vous offrons de surcroît une prime de 1000 dollars. » Cela un effet sur les salariés qui la refusent, ils s’impliquent davantage dans l’entreprise. Le renoncement ajoute une charge émotionnelle qui renforce leur loyauté. Amazon après le rachat de Zappos en 2009 a repris et étendu cette politique via son Pay to Quit Program.

6- Susciter des victoires rapides

A défaut d’objectifs court terme à atteindre et à célébrer les effort complexes risquent de perdre de l’élan. Dans une transformation réussie, l’encadrement recherche activement à comment parvenir à de nettes améliorations, introduire des objectifs et récompenser le personnel impliqué.

Organiser des grandes messes pour diffuser les messages.

Le management d’une équipe qui pratique le télétravail pose de multiples questions. Par exemple, comment cimenter la culture d’entreprise, promouvoir l’esprit d’équipe, inventer de nouveaux rituels, communiquer.

Les réunions rassemblant tous les salariés (all-hands meetings) sont un lieu où chacun a la possibilité de partager avec le groupe. Les célébrations figurent généralement en tête de l’ordre du jour, le PDG expose les objectifs de l’entreprise, ses projections et les étapes futures. Ensuite, chaque responsable de zone partage enfin un résumé de son activité, ce qui permet aux salariés de savoir ce que font des collègues avec lesquels ils n’entretiennent pas de relations régulières. Cependant ces réunions ne doivent pas avoir lieu trop souvent pour garder une force d’impact.

Aussi, des entreprises présentes sur 11 fuseaux horaires arrivent à rassembler leurs équipes lors de telles réunions virtuelles, pourquoi pas vous ?

7- Consolider les gains

Embaucher, promouvoir et former des gens capables de mettre en œuvre la vision du changement

Ne craignez pas les profils atypiques.

La majorité des recruteurs se montrent prudents et donnent la préférence aux candidats ayant déjà occupé un poste similaire. Ils privilégient les titres sont en adéquation étroite avec l’emploi proposé.

Les postulants qui ont occupé différents postes et connu plusieurs types de carrière manquent de « cohérence » et leur semblent moins dignes d’intérêt. Et si la multiplicité des carrières représentait aujourd’hui un atout à rechercher chez un candidat ?

Le monde ultra-rapide et changeant de la technologie de l’information a besoin de personnes capables d’assimiler de nouvelles connaissances et de faire preuve d’innovation. Du reste, les individus multipotentiels répondent à cette double attente : ils se caractérisent par un état d’esprit axé sur la mentalité de croissance et sont plus susceptibles de s’affranchir du cadre de pensée traditionnel.

Dans un Apple store vous ne rencontrerez pas de spécialistes du commerce de détail mais des vendeurs qui ont été enseignants, ingénieurs, artistes, des gens avec des carrières et des expériences différentes.

8- Ancrer le changement 

Cette étape est la plus longue et elle intervient généralement en fin de transformation quand le changement a déjà porté ses fruits dans la réalité opérationnelle. C’est également la plus difficile car elle fait appel à la culture d’entreprise et aux systèmes de valeurs du groupe et des individus.

En général, il est plus difficile de faire évoluer des valeurs partagées moins apparentes mais plus profondément inscrites dans la culture que des normes de comportement.

Il existe deux leviers pour faire évoluer des normes de comportement et enraciner le changement : la formation et les évaluations.

Ancrer le changement via l’apprentissage style blend learning

Les salariés tolèrent de moins en moins les formations de groupe qui obéissent à une approche descendante et qui ne correspondent plus à ce qu’ils sont, ni à leurs besoins. Ainsi, comme maints aspects des RH, la formation est vouée à devenir de plus en plus personnalisée.

Puisque le micro-apprentissage (modules courts et à la demande) sert de pont entre la formation formelle et son application directe, il apparaît plutôt comme un complément aux méthodes d’apprentissage traditionnelles.

Avantages :

  • Ils sont relativement faciles à élaborer parce qu’ils sont plus courts que les formations traditionnelles.
  • Le micro-apprentissage est également plus efficace en termes de coûts et offre un large éventail d’options.
  • Les modules sont à la demande et disponibles quand et où l’utilisateur le souhaite

Ancrer le changement par la remise en question des évaluations annuelles

Une entreprise sur trois aux États-Unis abandonne ce système d’évaluation désormais jugé obsolète. Dell, Adobe et Microsoft y ont renoncé il y a déjà plusieurs années.

Leur rigidité et leur coût appellent une remise en question les évaluations annuelles  :

  • Elles sont chronophages. Les managers consacrent en moyenne un mois à les rédiger, mais une majorité d’entre eux estiment qu’elles sont une perte de temps.
  • Une équité contestable. Même quand les managers s’accordent sur les critères, certains biais cognitifs interviennent et ne garantissent pas une équité constante.
  • Les échanges ne sont pas motivants. Ils se basent sur une échelle de notation et des commentaires génériques qui peuvent paraître impersonnels.
  • Elles tiennent excessivement compte des comportements passés, au détriment du développement futur des talents.

Ainsi à l’ère de l’instantanéité, l’évaluation annuelle cède la place à des rencontres informelles à intervalles réguliers entre managers et employés. Un retour d’expérience transparent et continue est indispensable pour les entreprises qui veulent devenir plus agiles.

Quentin Rouyer
Source :
John Kotter. Corporate culture and performances. Free Press Reprint édition. 16 mai 2011
John Kotter. Conduire le changement, feuille de route en 8 étapes. ‎ PEARSON. 18 septembre 2015
Jérémy Clédat & Laëtitia Vitaud. ‎ Welcome to the jungle. VUIBERT. 27 Mai 2020
Peter Cappelli & Anna Tavis. The performance management revolution. Harvard Business Review. Octobre 2016